La compétence et la QVT en période de crise.

La compétence c'est un peu comme le foot..." Vous vous demandez de quoi on parle ? La réponse dans l'interview de Julie Cottineau (fondatrice de Performance Design) sur la QVT et son lien avec la compétence et la performance.

Depuis 2019, Julie COTTINEAU développe le performance design: c’est la manière d’accompagner les entreprises dans le développement de leurs performances par l’accroissement des compétences de leurs collaborateurs.

Julie COTTINEAU

Quelle est ta définition de la compétence ?

Julie COTTINEAU : « La compétence c'est un peu comme le foot. En fait, tu vas trouver autant de versions d'équipe de France différentes que de définitions de la compétence. Alors moi, celle que j'aime bien retenir c'est celle-ci : la compétence c’est la maîtrise combinée de connaissances, de savoir-faire et de savoir-être pour l'exercice d'une activité dans une situation de travail.

Pourquoi j'aime bien celle-ci ? C'est parce qu'elle reparle bien de la situation professionnelle et la compétence c'est réservé au milieu professionnel. Dans le foot on va parler d'habileté, de talent.»

Qu'est-ce que tu aimes dans cette définition ?

Julie C. : « Ce que j'aime bien aussi dans cette définition c'est qu'elle fait la distinction entre les « soft skills ». Ce sont les compétences comportementales, c'est notre trait de personnalité qu'on est susceptible de mobiliser dans notre vie professionnelle. Et les « hard skills » qui, elles, sont toutes les techniques qu'on a pu apprendre, qu'on va lier aussi aux connaissances, qu'on a pu apprendre par l'expérience, à l'école. Les deux sont importantes pour l'exercice d'une activité professionnelle.

Par exemple, quand tu tournes une vidéo la personne qui est derrière la caméra, il va falloir qu’elle ait la « hard skill » de savoir mettre un micro, de savoir-faire une captation de son, une captation de vidéo et la « soft skill » dont elle va avoir besoin c'est la capacité à mettre les personnes à l'aise, la capacité à fédérer si elle reçoit plusieurs personnes. La différence c'est tout ce qui va relever de la personnalité, c'est du soft et ça ce n’est pas toujours très facile à développer puisque c'est ce qui se passe à l'intérieur de toi, c'est intrinsèque. Si tu es né impatient, même avec toute la volonté et toutes les formations du monde, tu ne seras pas la personne la plus patiente alors qu’un comptable n’est pas né en sachant faire de la comptabilité. Il a acquis cette compétence technique lors de ses études. »


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Peux-tu nous parler de la qualité de vie au travail ?  

Julie C. : « Pour définir la QVT, je vais impérativement parler de compétences. Parce que c'est pareil, c'est comme au foot, il y a autant de visions, autant de sélectionneurs que d'interlocuteurs. L’avantage de la QVT, contrairement à la compétence pour laquelle la loi ne nous donne aucune définition, c’est que la QVT en possède une. L’ANI de 2013 nous dit que « la qualité de vie au travail désigne et regroupe sous un même intitulé les actions qui permettent de concilier à la fois l'amélioration des conditions de travail pour les salariés et la performance globale des entreprises ». On est un peu loin du baby-foot en salle de pause et du séminaire accrobranche. Et puis surtout, et c'est là où aussi j'aurais envie d'insister, on est loin de la notion de bonheur au travail. C'est une vision un petit peu romanesque et on ne doit pas, même si on considère que le bonheur au travail est une vision de la QVT, s'en tenir qu'à ça quand on parle de QVT. »

Aurais-tu des exemples à nous donner ?

Julie C. : « Le premier exemple qui me vient en tête est Madame Bovary : elle n'était pas heureuse dans sa vie, elle a essayé d'en changer et ça ne s'est pas passé comme elle l'avait imaginé. Mais on est capable de comprendre qu'un être humain, dans sa vie personnelle, cherche à aller trouver plus de bonheur.

Le travail, dans ma conception, fait parti de notre équilibre à tous mais ce n'est pas un élément de « bonheur ». Il faudrait qu'on ait plus de temps pour philosopher autour de cette notion mais je trouve que ça met tout de suite beaucoup de pression à tout le monde de dire « le bonheur au travail ». T’as le droit d'être content de venir faire ton job, t’es bien dans ton job parce que tu as les bonnes compétences, tu as compris le sens de ce que tu faisais et tu sais à quoi tu sers dans l'entreprise mais est-ce que c'est obligé de transporter et d’être en extase quand tu es devant ton poste de travail : NON. »

QVT et compétences sont 2 termes distincts, peux-tu nous donner le lien entre les deux ?

Julie C. : « Plus que jamais on doit regrouper la compétence et la QVT, parce que l'une va nourrir l'autre.

3 exemples :

  • il y a un salarié dans une entreprise, on lui confie une mission, il n'a pas les compétences pour la réaliser (que ce soit des soft ou hard skills)
  • il y a un salarié dans une entreprise, on lui confie une mission, pour le coup le salarié a plein de compétences. La mission va occuper que 30% de ses compétences donc on met 70 % de côté
  • il y a un salarié dans une entreprise, on lui confie une mission au cours de laquelle il peut développer de nouvelles compétences et renforcer celles qui existent

Si on leur fait passer un questionnaire QVT, lequel a le meilleur score ? Sans détour, on peut se dire que c'est le dernier cas. Donc c'est vraiment important de se dire que la maîtrise de la compétence vient alimenter la qualité de vie au travail. »


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Quel impact a eu la crise sur les compétences en entreprise ?

Julie C. : « De manière très précise en ce moment en avril 2021, mais pas seulement en fait depuis mars 2020, je pense qu’il faut les relier parce que la crise sanitaire a plombé le développement des compétences et la QVT. Alors d'un certain côté, les deux y ont gagné si on prend un prisme très optimiste, très enthousiaste : on peut se dire oui qu’il y a des compétences comme la capacité à s'adapter (c'est une soft skill) qui a été boostée par la crise sanitaire. En revanche la compétence de nouveau soft skill de relations interpersonnelles a été bousculée pour tous ceux qui avaient l'habitude, pour les métiers où la relation interpersonnelle est essentielle : ils ont eu des difficultés. La QVT était là pour certaines personnes notamment à Paris ou dans les grandes métropoles : la réduction du transport et le fait de travailler à la maison a surement permis de gagner un point de QVT mais en revanche ne plus voir personne et être dans ton bureau, éventuellement seul peut faire diminuer le bien-être des collaborateurs. »

Beaucoup d'entreprises ont voulu développer la compétence afin de résister à la crise, qu'en penses-tu ?

Julie C. : « Alors si on regarde les différentes manières dont les entreprises ont essayé de répondre à la crise par le développement des compétences, on constate et moi-même j'ai beaucoup accompagné d'entreprises depuis le mois d'avril 2020 sur le développement de compétences justement plutôt soft, sur toutes les notions de développement personnel. Ça pourrait paraître louable parce qu'effectivement avec cette question de la crise sanitaire, on entend beaucoup parler des gens qui ont perdu leur motivation au travail, qui ont des difficultés à travailler seul derrière leur écran donc il y a beaucoup d'entreprises qui ont mis le paquet sur toutes ces formations de développement personnel. Malheureusement, à mon sens, ça se fait souvent parce que les budgets ne sont pas illimités et ça peut se faire au détriment des compétences techniques : on va tout miser sur un développement personnel. Et cela parce qu'on veut protéger la QVT mais pour maîtriser son poste, on a aussi besoin d'avoir des compétences techniques. Voilà un exemple : récemment je discute avec un de mes clients sur un accompagnement sur un sujet technique. En l'occurrence, l'accompagnement à la performance commerciale donc là on parle de technique, on parle aussi de technique de rédaction de propositions commerciales et c’est là que ce client affirme qu’il ne fait que des formations de développement personnel, pendant 2 ans, il ne veut aucune formation technique.

Mais pendant 2 ans, si les concurrents continuent eux à faire des formations de rédaction de propositions commerciales : qu’est ce qui se passe ? Alors certes j'ai protégé une partie de la QVT, j'ai protégé la motivation, j'ai protégé le sens du travail et fait en sorte que mes salariés comprennent pourquoi ils sont là et continuent à voir de la motivation. Mais à un moment, je vais prendre l’exemple du tabouret à trois pieds : je vais un peu fragiliser mon pied « compétences techniques » et c'est important aussi. On n’en parle peut-être pas suffisamment aujourd'hui quand on fait le rapprochement entre compétences et QVT mais il est important de bien redire que la compétence technique est essentielle à la maîtrise du poste et elle fait partie de cet équilibre. »

Un petit mot pour conclure ?

Julie C. : « Maintenant qu'on a posé toutes ces bases, je pense qu'il est essentiel de se dire que les plans de développement des compétences ne peuvent pas s'imaginer sans réfléchir, sans calculer et mesurer l'impact qu'ils vont avoir sur la QVT. Donc pour moi, dans chaque plan de développement des compétences, dans chaque action de développement des compétences, on devrait rajouter une colonne « impact QVT » : cela serait beaucoup plus efficace comme ça à mon avis. »

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À propos des auteurs

Julie COTTINEAU, Performance Designer.

https://www.linkedin.com/in/juliecottineau/

Propos recueillis par Thomas RÖHM, COO d'IDTree.

https://www.linkedin.com/in/thomasroehm/